Eléments biographiques

Triple grille de la cellule

Plaque commémorative

la Parole empêchée

Paul Cardel dit Noyer

Né à Rouen le 18 juin 1654.
Fils de l'avocat Jean Cardel et de Marie Houssemaine.
Reçu au ministère fin 1681, il est nommé à l'Eglise de fief de Grosménil aux environs de Rouen.
A la Révocation, il quitte la France et, après un séjour de deux mois en Angleterre, il rejoint une partie de sa famille réfugiée dans la ville de Haarlem, dont il reçoit une pension.
Il quitte les Pays Bas courant 1688 en compagnie du pasteur Daniel Cottin, traverse le Nord de la France (des assemblées sont signalées dans les environs de Vervins, Sedan, Meaux et Bolbec) et arrive fin octobre à Paris.
Il est arrêté le 2 mars 1689 à Paris où il exerce depuis quatre mois un ministère clandestin fructueux et est incarcéré à la Bastille ; après interrogatoire, il est conduit sous bonne garde à l'île Sainte-Marguerite où il meurt cinq ans plus tard, le 23 mai 1694, à l'âge de 40 ans.

Pierre Bruneton dit Valsec

Son père Marc Antoine de Salve, sieur de Bruneton, est né à Valensole (Alpes de Haute-Provence) le 10 novembre 1619. C'est un ancien carme déchaussé. Après sa conversion il s'établit à Vergèze (Gard). Il épouse en 1656 Marie Royer dont il a 9 enfants. Il est ancien de son Eglise. A la Révocation, il passe en Hollande avec 3 de ses fils : Pierre, Jacques et Antoine ; tandis que sa femme reste en France avec 2 fils et 4 filles.
Après la Révocation, Pierre termine ses étude de théologie à Schaffouse (mars 1686). Consacré au synode de Rotterdam (28 avril 1686), il est nommé pasteur de l'Eglise d'Ardembourg (25 décembre 1686).
Le 7 décembre 1689 il demande à son consistoire la permission de quitter l'Eglise pour quelques temps afin "d'aller terminer quelques affaires importantes". L'assemblée suivante du consistoire parle d'un "voyage qu'il a fait en France par un pur mouvement de son zèle et de l'avis de plusieurs personnes considérables, qui en ont concerté avec lui, et qui ont loué et approuvé son dessein".
Il voyage en compagnie du pasteur Matthieu de Malzac dont il se sépare par prudence dès leur arrivée à Paris, décidant d'agir séparément et sans concertation "afin que si l'un d'eux venait à être arrêté, il fût hors d'état de parler de la conduite de l'autre".
Il est arrêté quelques jours plus tard à Paris le 10 janvier 1690, incarcéré à Vincennes puis transféré à l'île Sainte-Marguerite en mars de la même année. A peine âgé de 30 ans lors de son arrestation, il serait mort sur l'île même, ayant perdu l'usage de la raison.
Lors de son arrestation, on a trouvé sur lui un sermon sur le texte de Philippiens 1,21 "Christ m'est gain à vivre et à mourir".

Gabriel Mathurin dit aussi Lestang

Pasteur à La Réole où siège la Chambre de l'Edit, il est marié à Rachel Garrigue dont il eut quatre enfants.
Il a déjà connu la prison au Chateau Trompette à Bordeaux, pour avoir participé ou présidé une assemblée interdite, en exécution du projet de résistance non violente prôné par Claude Brousson et adopté à Toulouse par un comité secret au cours du printemps 1683, selon lequel le culte devait dès le début de l'été être célébré partout où il avait été injustement aboli.
A la Révocation, il part avec sa famille et après avoir séjourné à Dordrecht, se voit confier le ministère de l'Eglise wallone d'Arnheim (avril 1687).
En 1687, il fait paraître un ouvrage "Les feuilles du figuier ou vanité des excuses de ceux qui ont succombé sous la persécution", dans lequel il prône une seule solution pour tous, l'émigration.
Il quitte les Pays Bas le 25 août 1689 et est arrêté le 16 avril 1690 après sept mois de ministère clandestin à Paris, chez le sieur Mallet, avocat au Parlement. Enfermé au chateau de Vincennes, il est transféré à la Bastille avant d'être confié au sieur Auzillon chargé de le conduire au fort de Sainte-Marguerite.
Il fut libéré fin 1714 ou début 1715 après 25 ans de captivité. En effet à la suite des tractations du traité de paix d'Utrecht, quelques dizaines de prisonniers et galériens furent élargis : Louis XIV qui avait refusé toute concession aux plénipotentiaires des nations protestantes en faveur de leurs coreligionnaires français, accorda quelques libérations à l'intercession pressante de la reine Anne d'Angleterre. Mathurin eut la chance (?) de figurer sur la liste des heureux élus et d'être expulsé. Il devait avoir 75 ans. Il gagna l'Irlande où il aurait retrouvé sa femme et ses deux fils. Il mourut trois ans plus tard en 1718.

Matthieu de Malzac dit Bastide, Molan et de Lisle

Né à Uzès vers 1657.
Inscrit au registre de l'Académie de Genève en 1687.
Pasteur à La Bastide de Goudargues.
Après un passage par la Suisse, il est pourvu d'un poste pastoral à Rotterdam où il demeure près de trois ans.
Très ébranlé par la controverse qui secoue le milieu du Refuge quant au devoir d'assistance spirituelle des pasteurs vis à vis de leurs anciens paroissiens demeurés en France et en liaison avec des comités secrets qui débattaient de ces questions, il fait le projet avec son ami Pierre Bruneton "de s'exposer pour s'acquitter envers Dieu et le prochain de ce qu'ils devaient en qualité de pasteurs". S'étant fait donner quelques adresses par le pasteur Daniel Cottin réchappé de justesse de la mission qu'il venait d'effectuer en France, il arrivent à Paris aux premiers jours de 1690 où ils se séparent immédiatement décidant par prudence "de ne se donner réciproquement aucune connaissance de ce qu'ils feraient". Sage précaution : Bruneton fut arrêté quasi immédiatement. Malzac exerce à Paris pendant six mois puis veut rejoindre La Bastide. Reconnu au Pont-Saint-Esprit, il rebrousse alors chemin jusqu'à Lyon où il est reçu chez les riches banquiers Philibert. De là il se rend à La Charité-sur-Loire, parcourt tout le Nivernais puis le Berry. On le voit à Sancerre, Châtillon, Gien, Orléans, Mer. De retour à Paris début 1691, il y prêche une bonne année ainsi qu'en Brie. Il est arrêté à Paris le 11 février 1692 chez Suzanne Reignard veuve du sieur Bidache seigneur de La Boissière. Il est enfermé à Vincennes qu'il quitte le 15 mai pour être conduit à Sainte-Marguerite.
Arrêté à 35 ans, il paiera son ministère clandestin de deux ans et six semaines de 33 ans de captivité. Il mourut le 15 février 1725 à Sainte-Marguerite, au moment précis où à l'étranger on en avait enfin retrouvé la trace et s'efforçait d'en obtenir la libération par la voie diplomatique.
Dans l'interrogatoire du 25 février 1692, il déclare qu' "Il n'a jamais été attendu en aucun des lieux où il a été reçu et où il a fait des exercices, et après avoir été une fois reconnu dans le premier endroit, on le conduisait dans un autre, et c'était l'un de ceux qui l'avaient reçu, que l'on jugeait être le plus sûr de tous, qui ne disait pas à lui-même où il le menait. A l'égard des lieux particuliers et lorsqu'ils y étaient arrivés, celui qui l'avait conduit le faisait connaître pour ministre, et aussitôt on assemblait la famille et il prêchait en donnant la cène et recevait les repentances qui étaient à recevoir. Il en a usé ainsi à Paris, dans les villes et les hameaux qu'il a visités à la campagne. Lorsqu'il fut arrêté dans la maison où il a été pris, il avait dans sa poche ses sermons et son bonnet de nuit, pour être en état de reposer où il se serait trouvé à l'approche du jour, où il se serait tenu jusqu'à la nuit suivante, ne sortant jamais de jour qu'il n'y eut quelque nécessité de visiter les malades."

Elisee Giraud

Originaire de Bergerac.
Etudie la théologie à Genève après la Révocation (1687).
Il est arrêté chez Samuel Lardeau, procureur au parlement, deux à trois jours après son arrivée à Paris, le 3 mai 1692, en compagnie du pasteur Givry qui, lui-même à Paris depuis six semaines, s'apprêtait à lui céder la place et à partir pour la province. Il avait en fait été trahi par le guide même qui était allé le chercher aux Pays Bas. La capture d'un ministre rapportait gros, et certains, tel le dénommé Brisson dit Braconnier, ancien religionnaire, s'en firent une spécialité. Il avait trente ans et son inexpérience était grande puisqu'il n'avait jamais précédemment exercé en France.
Conduits à la Bastille (5 mai) puis de là à Vincennes, ils ne quittèrent Paris pour l'île Sainte-Marguerite que le 27 juin 1694, sous la garde du sieur Auzillon comme l'avaient été leurs collègues.

Gardien Givry

Né à Vervins en 1647.
Inscrit au Livre du Recteur en 1670 (Genève).
Pasteur à Saint-Loup-aux-Bois pendant 7 ans.
Déposé par le synode de Charenton (1678) pour "irrégularité de moeurs", il fait alors des études de médecine à Montpellier.
Rétabli dans le ministère pastoral par le synode de Lausanne en 1684 à condition qu'il irait prêcher sous la Croix.
Il retourne à Montpellier et ce n'est que 5 à 6 mois après la Révocation qu'il s'embarque de Bordeaux pour l'Angleterre. Il est pasteur à Plymouth pendant 5 ans 1/2, qu'il quitte le 1er mai 1691 pour Londres où il reste 2 mois. De là il se rend à Amsterdam où il rencontre Jurieu.
Il arrive dans la région de Vervins début octobre 1691 après de nombreuses aventures et visite les paroisses de Landouzy, Saint-Pierre, Lemé.
A Saint-Quentin, il reçoit les délégués de 7 villages des environs qui déclarent vouloir adhérer au protestantisme (assemblée de la Boite-à-Cailloux).
Il visite Laon et la plupart des Eglises de la Picardie et la Brie.
Il est à Paris début décembre 1691 où il trouve les pasteurs Boulle et Malzac.
Au bout de 6 semaines il part pour Sedan où il arrive le 3 février 1692 : il y tient 5 assemblées.
Il redescend sur la Champagne : il visite Montlon, Châlons, Vitry-le-François, Chateau-Thierry, Monneaux.
A Chateau-Thierry il rencontre le lieutenant-général qui est favorable à la Réforme.
A Nanteuil-les Meaux, il préside 2 assemblées de 5 à 600 personnes.
Il est de retour à Paris le 5 mars 1692 où il apprend l'arrestation récente de Matthieu de Malzac (11/2/92).
Il y reste 6 semaines puis s'apprête à repartir, Elisée Giraud étant arrivé dans la capitale aux premiers jours de mars, mais il est arrêté le 3 mai 1692.
Il avait 45 ans. Il mourra à l'île Sainte-Marguerite.

Portes, grilles, verrous, gardes, captivité ;
Ténèbres, solitude, efroy, chagrin, soufrance ;
Puisque j'ai, dans les fers, un coeur en liberté,
En vain vous vous joignez, pour vaincre ma constance.


Laurent Drelincourt (Sonnets chrétiens, 1677)