Le Mémorial huguenot

Au Fort de l'île Sainte-Marguerite dans la baie de Cannes, à dix minutes par le bateau depuis le port

A la mémoire des pasteurs

PAUL CARDEL

PIERRE SALVE DE BRUNETON

GABRIEL MATHURIN

MATTHIEU DE MALZAC

ELISÉE GIRAUD

GARDIEN GIVRY

Exilés...

Exilés de France

à la révocation de l’édit de Nantes,

rentrés clandestinement

pour servir les Eglises sous la Croix.

Enfermés à vie

à Vincennes et à Sainte-Marguerite

de 1689 à 1725

ayant préféré la prison à l’abjuration

Prière de Gardien Givry

Mon Dieu, me voici prêt à faire ta volonté :
j'irai partout où tu m'appelleras,
je consolerai tes enfants affligés
autant que tu me donneras de vie,
de force et de liberté. Je demande
ton secours et la conduite de ta
bonne et sage Providence, afin que
je puisse réussir dans mon dessein
et exécuter ma résolution à la gloire
de ton nom et à l'édification de ton Eglise.
Et quoi qu'il me puisse arriver, fais
que je te glorifie partout, dans la liberté
ou dans la prison, au milieu de ton peuple
ou devant tes ennemis, dans la vie
ou dans la mort.

Le fort de l'île Sainte-Marguerite

Avec le fort de Brescou, la tour de Constance à Aigues-Mortes et le château d'If, le fort de l'île Sainte-Marguerite dans la baie de Cannes est une des quatre prisons royales des bords de la Méditerranée où, pour "crime de religion", des religionnaires furent enfermés aux XVIIe et XVIIIe siècles. C'est pourquoi un Mémorial huguenot fut "dressé" dans une ancienne cellule. Il évoque la douloureuse et implacable incarcération à vie de six ministres de l'Evangile qui, rentrés clandestinement en France après la Révocation de l'édit de Nantes pour prêcher l'Evangile aux fidèles sous la Croix, avaient été bientôt arrêtés à Paris.
Tenus au secret le plus strict, ils ont constamment essayé de rompre cet isolement : le chant des psaumes entendu, en dépit de l'épaisseur des murs, d'un cachot à l'autre, était un signe de prière et d'affirmation de leur foi mais également un signe de reconnaissance et d'encouragement mutuel à la résistance. L'épisode qui a le plus frappé les esprits est celui de l'assiette d'étain* : en 1690 l'un d'entre eux tente de communiquer avec le monde libre en gravant quelques mots sur une pièce de vaisselle qu'il s'arrange pour faire passer à l'extérieur : stratagème vite découvert et puni comme il se doit.
Au reste le confinement perpétuel et le manque d'exercice, l'inactivité et les pressions morales permanentes, ajoutés à une nourriture misérable, à un confort plus que précaire et aux sévices corporels, ont eu raison, semble-t-il, de la santé mentale de deux ou trois d'entre eux. Si Paul Cardel fut délivré par la mort au bout de cinq années à l'âge de 40 ans, Matthieu de Malzac, lui, subit 33 ans de captivité jusqu'à sa mort survenue en 1725. Gabriel Mathurin fut plus heureux : en 1715, à l'issue de 25 ans de détention, il fut libéré ; il avait 75 ans !
Rentrés en France "pour attendre la délivrance que Dieu allait envoyer à ses enfants", ils ont mis en oeuvre le texte de Philippiens I, 21 qui inspira à Pierre Bruneton un sermon : "Christ m'est gain à vivre et à mourir".

*Ce geste fut attribué à tort par Voltaire au Masque de Fer qui séjourna au fort de 1687 à 1698.